Improvisation et Jeux de rôles: deux mondes pas si éloignés


Après des années de pratique d’improvisation et de jeu de rôle une conclusion m’est apparue : le jeu de rôle attire l’improvisateur et l’improvisation attire les rôlistes. Cherchons à en savoir plus.

Un jeu de rôle c’est quoi ?
Des joueurs improvisent des personnages. Un arbitre raconte une histoire à travers laquelle il faut avancer. Rajoutez une pincée de règles et incorporez-y quelques savoureux lancers de dés : enfournez à 180° et vous obtenez un jeu de rôle !

Il existe deux façons de pratiquer le jeu de rôle (JDR pour les intimes): le jeu de rôle papier (tabletop role-playing game pour les anglophones) et le jeu de rôle grandeur nature (GN). Nous mettrons de côté cette seconde variante, très similaire à la première dans son approche à l’impro, si ce n’est qu’elle ne développe pas autant l’imagination puisque les joueurs se mettent dans la peau de leur personnage via des costumes et accessoires. Si j’étais du genre prétentieux je dirais que le GN est au JDR papier ce que le théâtre est à l’impro, mais heureusement ce n’est pas mon genre. (Cf. Article “Cours de théâtre ou cours d’impro ?”)

Le déroulement d’une partie :
Il y a un maître du jeu (le MJ) et des joueurs – entre 2 et 6 – appelés PJ pour Personnage-Joueur, autour d’une table. Le MJ a pour but de gérer la partie. Il aura préparé en amont un scénario: l’Aventure qu’il fera vivre à ses partenaires de jeu au cours d’une ou plusieurs soirée(s). Les joueurs doivent réagir à l’histoire racontée par le MJ, lequel doit tenir compte des réactions de ses joueurs. Ainsi, une véritable histoire va se créer. Généralement, celle-ci prendra une tournure tout autre que ce que le MJ avait prévu et ce n’est que plus beau ! (Vous le voyez venir le lien avec l’impro… patience.).

Exemple :
Les joueurs sont plongés par le MJ dans un univers Médiéval-fantastique.

MJ: “Vous êtes dans une petite taverne d’un quartier mal famé, vous êtes assis tranquillement dans le fond en train de planifier votre futur cambriolage. Tout d’un coup, la porte de la taverne s’ouvre et 2 miliciens entrent et se dirigent vers le bar. Ils échangent 2-3 mots avec le barman et celui-ci pointe votre table du doigt. Que faites-vous ?”

Les joueurs peuvent ensuite réagir comme ils le souhaitent.

Joueur 1: “Je me lève et je me dirige vers eux dans le but d’aller les baratiner”
Joueur 2: “Je reste à la table mais je sors discrètement mon arbalète au cas où ça tourne mal.”

Le tout est régi par des règles et des jets de dés afin de simuler le hasard.

Et l’improvisation là-dedans ?

D’après mon expérience personnelle et celle de personnes que j’ai interrogées, l’improvisation donne un très net avantage pour les rôlistes lors de partie de JDR. En voici quelques exemples :

  • Les improvisateurs sont plus à l’aise. Ils n’attendent pas qu’on leur donne la parole, ils savent naturellement comment et quand intervenir.
  • Les improvisateurs savent gérer plus spontanément des conversations, ce qui est très important pour le roleplay (c’est-à-dire la capacité à savoir jouer son personnage).
  • Les improvisateurs savent également donner plus de richesse à leur personnage, notamment du point de vue des émotions, des accents, etc., lui donnant ainsi une plus grande présence lors de la partie.
  • Une participation « active »: les improvisateurs vont aller de l’avant. Inutile de leur demander ce qu’ils font, ils vous l’ont déjà dit. Ils n’attendent pas que le MJ leur dise quoi faire.​
  • Enfin, les improvisateurs ont une plus grande capacité à proposer des idées intéressantes au MJ. Si ce dernier a également fait de l’impro il sera en mesure d’accepter ou de refuser la proposition de la meilleure façon possible.

Pour le MJ, l’improvisation est encore plus utile :

  • Capacité à créer des histoires cohérentes dans l’instant, sans devoir passer des heures à les préparer à l’avance, grâce aux techniques de construction narrative apprises via l’improvisation.
  • Facilité à gérer les réactions des joueurs qu’on ne peut pas toujours prévoir à l’avance, puisque l’improvisation familiarise avec la spontanéité. Finis les moments d’hésitations et de panique. Tout est propre et fluide : et ça, ça fait du bien !
  • Possibilité d’enrichir sa palette de personnages. En effet le MJ doit être capable d’incarner des Personnages Non Joueurs (PNJ) allant de l’aristocrate maniéré à l’ivrogne du village. Pratiquer l’impro permettra d’ajouter des saveurs uniques à chacun des PNJ que les joueurs rencontreront et ainsi en faire des rencontres inoubliables ! C’est d’autant plus important quand l’histoire se complexifie et que la liste des PNJ importants s’allonge.Toujours dans l’hypothèse du mec prétentieux, je vous dirais que j”ai déjà géré des parties entières en totale improvisation sans que mes joueurs ne s’en rendent compte ! Car l’impro c’est l’art de faire croire que tout était prévu d’avance (BIM).

En Conclusion :

Un rôliste aurait effectivement de nombreux avantages à faire de l’improvisation. On profiterait mieux du JDR ainsi. Personnellement, je vois le JDR comme une « app​lication » de l’impro, un peu moins “pure” peut-être. Certes l’improvisation n’est pas essentielle au rôliste, mais c’est une réelle plus-value. Au même titre que le surdoué en mathématiques aura de plus grandes facilités en physique, ou que celui qui court vite aura un avantage pour le football (#analogiesdusamedisoir).

L’inverse est aussi très intéressant. Ceux qui pratiquent l’improvisation peuvent utiliser ce qu’ils ont appris durant leurs cours et l’appliquer lors d’une partie de jeu de rôle. C’est en somme une manière différente de faire de l’impro : c’est plus ludique et les enjeux sont différents.

Un grand merci à L. Nelissen pour son aide précieuse pour la rédaction de cet article !

Je tiens également à mentionner Axelle Psychée Bouet, l’illustratrice de l’image principale de cet article. Vous trouverez via les liens ci dessous plus d’informations relatives à cette image et son illustratrice.


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