Dans une société en constante ébullition, il nous faut parfois trouver des moments pour nous évader. Là où la technologie vend du rêve avec des réalités alternatives, des jeux immersifs et des films en plusieurs dimensions… l’être humain se retrouve submergé dans un monde agressif, violent même, où les images qui défilent sous ses yeux sont qualitatives mais superficielles. La chaleur d’une conversation est effacée et remplacée par le petit signal sonore transmis par Messenger. Le plaisir d’un regard qui veut tout dire se perd derrière un écran que l’on contemple pendant des heures en souriant devant des vidéos de chats qui vivent… leur vie de chat.
Dans ce monde vaste et vide à la fois, nous sommes soumis à cette nouvelle façon de vivre : la vie au travers d’un écran. A un tel point que les concerts auxquels nous assistons ne sont plus des soirées où nous chantons avec nos groupes préférés mais des soirées où nous les filmons afin de les revoir plus tard. Les sorties entre amis sont ponctuées de petits regards vers nos téléphones car une actualité croustillante pourrait sortir à tout moment. Et ainsi de suite pour un tourbillon de vie qui nous vient au visage via des images. Tout cela nous donne le sentiment de participer à quelque chose sans plus jamais le faire à fond. Nous différons la vie sans plus jamais la saisir dans l’instant.
Il y a sept ans, j’ai découvert une nouvelle vie. J’étais alors étudiante en droit, un domaine assez prenant et peu propice à l’épanouissement personnel si on s’en réfère aux nombreux témoignages des concernés. Alors que l’étude était le maître mot de ceux qui souhaitaient réussir, j’ai, moi, trouvé un domaine plus passionnant pour aller de l’avant : l’improvisation. Répondant à l’annonce d’une équipe fraîchement formée, je faisais un pas vers la vie sans même le savoir. Si je devais mettre le doigt sur la plus intelligente des décisions que j’aie prises au cours de mon existence, ce serait clairement celle-là. M’être lancée dans un projet dont je ne connaissais quasiment rien m’a ouvert des portes que je ne soupçonnais pas.
L’improvisation, c’est quoi ? C’est tellement de choses à la fois. J’ai le sentiment qu’au moment où je vous écris ces lignes, je vais écrire et écrire jusqu’à ce que ma main se meure.
L’improvisation :
C’est un art.
C’est une discipline.
Et si on avait quelque prétention, on pourrait s’aventurer à dire que c’est une sorte de science. Une science du mieux-vivre.
Au détour d’une scène, des gens, des êtres humains tout à fait normaux, font des choses que le commun mortel considère extraordinaires. Seul ou accompagné, le jouteur (celui qui fait de l’improvisation) monte sur scène et se laisse aller à… Il se laisse aller. Pourquoi continuer cette phrase alors qu’elle en dit déjà tellement. Se laisser aller. Lâcher prise. Se déconnecter. Ou peut-être même reconnecter son esprit mais autrement. Se reconnecter à soi-même, voilà l’essence de l’improvisation.
Ce qui semble si difficile vu de l’extérieur n’est rien d’autre que le fruit d’une pratique. Et comme dans tout domaine, ce qui compte, c’est le premier pas. De manière volontaire, je me suis lancée dans une nouvelle aventure. J’ai intégré une équipe qui se réunissait une fois par semaine afin de s’entraîner à faire… n’importe quoi. Il n’y avait pas de but particulier. On se voyait avec bonne humeur et envie de partager deux heures ensemble. Le coach nous donnait des consignes et sans que nous n’ayons rien préparé, nous montions sur notre petite scène improvisée dans une classe de cours et jouions. J’ai bien dit « jouions » car ce n’est que ça au final, du jeu.
Replongé en enfance, l’improvisateur a le droit de faire ce qu’il veut. Tous les scénarios sont possibles. Certes, il a un cadre à respecter mais ce cadre est là pour le guider vers des principes supérieurs, des manières de mieux exploiter des valeurs phares. Le cadre n’est pas normatif, il n’est pas destiné à freiner nos libertés, au contraire.
C’est ainsi que l’improvisation entre petit à petit dans mon quotidien et sans même que je ne m’en rende compte, devient une seconde peau. Nous avons tous des hauts et des bas et j’ai eu les miens. A plusieurs reprises, je me suis vue arrêter cette magnifique expérience car je me sentais oppressée par ce qui m’entourait à l’époque. Et pourtant, en moi, un sentiment d’attachement profond m’empêchait de quitter cet exutoire ou encore d’abandonner mes coéquipiers. Cette petite équipe a vu sa composition changer quelques fois depuis mon arrivée. Cette petite équipe a elle aussi eu ses hauts et ses bas. Mais cette petite équipe au final, pour ceux qui sont restés, c’est devenu une petite famille. Etant parmi les plus anciens membres de ce cocon, j’ai vu les autres arriver. Les craintes de voir notre harmonie se briser m’ont animée mais, chaque personne qui nous a rejointe nous a apporté plus encore sans jamais faire défaillir nos piliers fondateurs. Une famille ne peut se briser. Une équipe est faite pour durer car ce qui la rend forte, c’est la solidité du groupe ensemble et non les qualités individuelles de chacun. C’est là la beauté de ce que nous étions et sommes : une entité nourrie par les richesses de chacun. En improvisation, le but n’est pas de se démarquer seul mais de briller ensemble.
L’improvisation c’est cela aussi. C’est apprendre à se reconnecter aux gens autour de vous. Créer des liens réels, des liens en chair et en os. C’est voir un autre humain rentrer dans votre zone privée, casser les convenances et venir vous prendre dans ses bras. L’improvisation, c’est un jeu mais c’est un jeu réel. Si nous avons connu l’époque des Sims où les joueurs de la planète entière se régalaient de vivre une seconde vie et d’y faire tout ce qu’ils ne pouvaient faire dans la leur, l’improvisation a ouvert un nouveau monde. Celui des réalités alternatives physiques. Pourquoi créer un personnage sur votre ordinateur alors que vous pouvez lui donner vie sur une scène ? Pourquoi se contenter d’un personnage alors que vous pouvez en créer une infinité ? Pourquoi vivre au travers d’un écran alors que nous sommes-là, prêts à aller boire un verre ensemble juste après le coaching ?
L’improvisation c’est un tout. Un tout complet et complexe. C’est même un atout !
Ceux qui cherchent à s’ôter de leur timidité verront leur demande rencontrée.
Ceux qui cherchent à rencontrer des gens verront leur demande rencontrée.
Ceux qui cherchent à s’amuser verront leur demande rencontrée.
Ceux qui se cherchent eux-mêmes verront leur demande rencontrée.
Ceux qui cherchent à faire face à l’imprévu verront leur demande rencontrée.
…
Il serait plus facile que vous me demandiez directement si l’improvisation peut faire « ça » pour vous et quelle que soit la nature de ce « ça », je sais que je répondrai oui à votre question.
Car l’improvisation c’est le travail de l’acceptation : celle de soi-même et des autres. C’est l’apprentissage de la bienveillance, et ce encore une fois envers soi et envers les autres. C’est l’aboutissement de semaines de pratiques. On n’a rien sans rien et tout le monde sait qu’il faut donner de sa personne afin d’atteindre nos objectifs. L’improvisation c’est apprendre à persévérer. Mais c’est apprendre d’une manière ludique et sans efforts.
L’improvisation au final, c’est de l’amour. C’est ma vision des choses et elle n’engage que moi. Mais à force de fréquenter un cercle très large qu’il m’a été donné de rencontrer grâce à l’improvisation, j’ai appris à connaître de nouvelles personnes. Du contenu des coachings, j’ai pu retirer des clés qui s’étendent bien au-delà de la scène. On nous parle de H2S (Happy Healthy Sexy)* ou comment assumer ce que l’on dit, bien le vivre, continuer à dégager une image sereine quel que soit le contexte. Et derrière ce principe qui est destiné à faire de vous un bon comédien, vous retrouverez un concept qui fera de vous un meilleur humain. Là est la force de l’improvisation : elle est vendue comme une moyen de récréation. Mais elle est un mode de vivre.
Ceux qui me connaissent depuis une dizaine d’années au moins ont dû voir l’évolution de ma personnalité. Ce n’est pas tant une évolution qu’une révélation. Celle que j’étais a enfin osé s’exprimer après avoir appris à le faire sans plus se poser de questions. Les mécanismes de défense existent chez tout un chacun mais c’est la société qui nous apprend qu’ils sont vitaux. Alors que l’improvisation vous apprend à arrêter de craindre les obstacles et de les embrasser plutôt, cela afin de les dépasser. J’étais une adolescente timide et réservée. J’avais l’envie de participer aux conversations autour de moi, aux activités même mais quelque chose m’en empêchait. Ce que c’était ? Cela a peu d’importance. Comment j’en suis sorti et quand ? Je n’ai même pas remarqué la différence, pas sur le moment. Ça s’est fait naturellement. A force de monter sur scène, de repousser mes démons avec une équipe qui était là pour me soutenir et pour voir le meilleur en moi tout comme je voyais le meilleur en eux, j’ai appris à faire de même en me regardant. Et aujourd’hui, je croise des amis d’autrefois qui ne me reconnaissent pas. Et c’est ainsi seulement que je reprends mes souvenirs, que je revois la gamine effrayée de la vie que j’étais, celle qui est passée à côté de tant d’opportunités de vivre que je ne les compte plus. Et je réalise à quel point l’impro a fait de moi celle que je suis, celle que j’ai toujours été sans jamais oser la laisser s’épanouir.
L’improvisation, c’est une aventure humaine. Elle commence dès que vous faites le premier pas vers elle et vous poursuit pour le reste de votre vie. L’improvisation est addictive. Mais au contraire de tous les autres substantifs auxquels on associe cet adjectif, l’improvisation est une drogue saine ! Plus vous en consommerez et mieux vous vous porterez.
© 30-04- 2019 – Jennypher Vervier
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*Nabla Leviste – La fabuleuse science de l’imprévu
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